Travertin
Créateur des chutes d’eau et des lacs
Le processus de sédimentation travertineuse, de formation des barrières de travertin et de création des lacs, constitue une valeur universelle exceptionnelle, raison pour laquelle les Lacs de Plitvice ont été classés parc national et inscrits sur la Liste du patrimoine mondial naturel de l’UNESCO.
Une série de lacs de dimensions différentes, descendant en cascade, créés par le processus biodynamique de croissance des barrières de travertin qui ont cloisonné la vallée de la rivière, constituent le phénomène hydrologique le plus important du Parc national des lacs de Plitvice. Les eaux de surface s’étendent sur moins de 1% de surface du Parc national avec un volume de 22,95 millions de m3 d’eau. La croissance des barrières de travertin fait monter le niveau d’eau modifiant le volume d’eau dans les lacs. 16 grands lacs nommés et de nombreux lacs plus petits séparés entre eux par des barrières de travertin forment un système hydrologique unique, relié par une série de chutes d’eau.
Les barrières de travertin dans les cours d’eau d’aujourd’hui sont toujours actives et, par leur biodynamique, modifient sans cesse la forme des lacs et des chutes d’eau.
Processus de sédimentation du travertin
Il existe un grand nombre de définitions du travertin, et l’une des définitions les plus générales, qui est utilisée le plus souvent dans la description du travertin des lacs de Plitvice, est la définition suivante: “Le travertin est une roche riche en microcavités, poreuse, issue de la sédimentation du carbonate de calcium dissous dans l’eau à l’aide des plantes, des algues et des bryophytes”. Une autre définition, plus précise, définit les conditions de la sédimentation travertineuse: “Le travertin est le produit du carbonate de calcium sédimenté dans des conditions de température proches de la température de l’environnement et contient souvent les restes des microphytes et macrophytes, des invertébrés et des bactéries”.
Les eaux des lacs de Plitvice sont saturées de carbonate de calcium dissout sous forme de bicarbonate de calcium. L’eau ainsi minéralisée permet la sécrétion, dans les rapides et surtout dans les barrières de travertin, du carbonate de calcium (calcite) sous forme de cristaux minuscules sédimentés. Le processus de sédimentation du travertin peut être représenté par la formule suivante:
Trois conditions chimiques principales doivent être remplies:
- eau saturée de carbonate de calcium, c’est-à-dire index de saturation supérieur à 3 (Isat> 3)
- le pH de l’eau supérieur à 8,0
- concentration des substances organiques dans l’eau doit être inférieure à 10 mg L-1 de carbone
Ce qui ne nous est pas visible, et est très important pour ce processus spécifique et complexe de formation du travertin, sont : les algues bleu-vert (Cyanobacteria), les Diatomées (Diatomeae), différentes bactéries, les Protistes – eucaryotes unicellulaires (Protozoa) et organismes pluricellulaires microscopiques. Ces organismes forment une communauté qui se développe sur les pierres, les plantes (bryophytes) et les objets plongés dans l’eau.
Les microcristaux du calcite adhèrent sur les substances sécrétées par les algues et les bactéries. Les microcristaux ainsi collés créent les points de cristallisation autour desquels se poursuivra le processus de sédimentation du carbonate de calcium de l’eau, formant les barrières de travertin.
Le travertin doit sa forme aux bryophytes (mousses) aquatiques, ainsi qu’aux autres micro- et macrophytes, aux larves d’insectes et autres invertébrés sur les barrières. Parmi les mousses aquatiques, une place à part est réservée à l’espèce Palustriella commutata que l’on rencontre le plus souvent, qui couvre les barrières de travertin abruptes et verticales et qui participe au processus de création du travertin. Elle est rapidement “pétrifiée”, et ses “empreintes” restent bien conservées dans le travertin. Dans les endroits plus calmes, l’espèce Ptychostomum pseudotriquetrum crée le travertin de “type bryum”. Bien que les parties inférieures des mousses aquatiques sont ainsi transformées en travertin, ces mousses poursuivent leur croissance permettant le déroulement du processus de sédimentation travertineuse et de croissance des barrières de travertin.
Ancienneté et croissance des barrières de travertin
Le processus de création du travertin remonte à un passé géologique lointain, mais seulement dans des conditions climatiques chaudes et humides, semblables aux conditions climatiques actuelles. L’ancienneté des barrières de travertin actives est entre 6.000 et 7.000 ans, ce qui correspond à leur apparition après la dernière période glaciaire. Dans les parties latérales des cours d’eau actuels, surtout dans le secteur des sources des lacs, des paléobarrières ont été retrouvées à des altitudes plus élevées, et ont ensuite été datées. Selon les résultats des analyses effectuées, les paléobarrières ont entre 250.000 et 300.000 ans (l’interglaciaire Mindel-Riss), et entre 90.000 et 130.000 ans (l’interglaciaire Riss-Wurm).
Les analyses de l’ancienneté des barrières de travertin actives et des sédiments des lacs montrent que la vitesse moyenne annuelle de sédimentation des sédiments des lacs est environ 17 fois plus petite que la vitesse de croissance des barrières de travertin (environ 13,5 mm), ce qui entraîne l’élévation du niveau d’eau dans les lacs. Les analyses récentes, grâce à l’application de méthodes hydrologiques, font ressortir que la vitesse annuelle de croissance de la barrière de sortie du lac Kozjak est de 5,6 mm alors qu’elle est trois fois plus grande près du lac Prošćansko jezero. Chaque barrière a sa dynamique propre, les unes croissent plus vite, les autres plus lentement ; en outre, les barrières en aval dépassent celles en amont, qui sont submergées par l’eau, si bien que deux lacs peuvent se transformer en un seul.
L’exemple d’une telle dynamique est offert par la barrière submergée dans le lac Kozjak. Il y a environ 400 ans, le lac Kozjak était divisé en deux lacs séparés par une barrière de travertin et une chute d’eau d’environ 40 m de haut. Cependant, la croissance de la barrière de travertin à la sortie du lac Kozjak (Kozjački mostovi) était beaucoup plus rapide que celle de la barrière qui divisait le lac en deux. C’est de cette manière que le niveau d’eau s’est progressivement élevé finissant par submerger complètement la barrière et par transformer les deux lacs en un seul lac, tel que nous voyons aujourd’hui.
La croissance et le développement des barrières de travertin seraient mis en danger par un dérèglement des facteurs physiques, chimiques et biologiques participant au processus de sédimentation travertineuse. A cause de la fragilité de leur structure, les formations travertineuses sont très sensibles aux dégâts d’origine mécanique ou aux surcharges dynamiques. Les barrières de travertin sont souvent mises en danger par le changement du tracé du cours d’eau, qui entraîne leur dessèchement et l’arrêt de leur croissance. On note également le phénomène de cassure des barrières suite à la chute d’un arbre ou à la fonte de la glace après la période hivernale.